
La sortie de prison de Georges Ibrahim Abdallah était prévue le 25 juillet et son arrivée à Beyrouth le lendemain. À l’aube de ce jour, il quitte en convoi le centre pénitentiaire de Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées (sud-ouest). Il est finalement renvoyé dans la foulée vers Beyrouth. Ce changement de dernière minute visait à contraindre les mobilisations en sa faveur, multipliées en France et au Liban ces dernières semaines. Diverses organisations, comme Le Front pour une Palestine libre, aux côtés de l’Union générale des étudiants et de la Campagne nationale pour la libération de George Ibrahim Abdallah, ont organisé son accueil et relayé sur les réseaux sociaux son arrivée prochaine à Beyrouth. Même si les survols y sont quotidiens, les drones israéliens étaient particulièrement actifs ce matin au-dessus de la capitale libanaise.
Dès la matinée, des sympathisants se rassemblent à l’extérieur de l’aéroport international de Beyrouth, légèrement à l’écart du hall des voyageurs, pour accueillir « le plus vieux prisonnier politique détenu en France ». D’heure en heure, la foule ne cesse de grossir, jusqu’à dépasser la centaine de personnes. Un important dispositif sécuritaire de militaires et personnels de sécurité de l’aéroport est mis en place et contrôle l’accès d’une sortie de l’aéroport.

Les journalistes ont été rassemblés de l’autre côté de ce dispositif, face au rassemblement. Le bouclage reste suffisamment souple pour favoriser les allées et venues, comme la circulation annexe de véhicules, dont plusieurs manifestent leur soutien par coups de klaxon. Les soldats semblent plutôt détendus, comme en phase avec les autorités libanaises qui réclamaient cette libération depuis plusieurs années.

Dans cette foule, le mélange est omniprésent, entre générations — y compris des enfants — mais aussi entre représentations politiques. Les drapeaux du parti communiste libanais — les plus nombreux — côtoient ceux du Parti social nationaliste syrien, du Front populaire de libération de la Palestine, de l’Union de la jeunesse démocratique libanaise (notamment ses scouts) et du Hezbollah. De nombreux portraits et des bannières à l’effigie du prisonnier, peints ou photographiés, sont soulevés et dévoilés fièrement. Sans surprise, des drapeaux de la Palestine s’agitent au vent, comme nombre de keffiehs, là encore arborés par tous les âges. On notera un portrait de Hassan Nasrallah et quelques paroles à la mémoire du Sayed. Tout compte fait, l’énergie de ce rassemblement renvoie à une métaphore joyeuse de la diversité du pays du cèdre.

Sous un soleil de plomb, avec pour seule ombre une partie de la route supérieure, les manifestants n’en démordent pas et chantent avec ferveur une myriade de slogans — pour la libération de Georges, contre l’occupation et la colonisation, pour la résistance populaire, à l’encontre notamment des Français et du gouvernement libanais. Tandis que de jeunes militantes distribuent des fleurs, les cinq enceintes installées près de la porte principale se mettent à vibrer. Le son alterne entre chants communistes et slogans militants de la part des organisateurs du rassemblement, qui annoncent — à plusieurs reprises — l’arrivée imminente de Georges Ibrahim Abdallah.
Malgré l’attente et l’humidité, quelques légères tensions entre membres de partis quant à leur placement sur l’allée d’accueil et entre journalistes, photographes et porte-drapeaux, la ferveur populaire est palpable. Elle est sans doute à la mesure de l’injustice et de l’indignité de ces décennies d’enfermement. Désormais chaque minute compte.

15h22. Les portes s’ouvrent et Georges Abdallah apparaît, ceinturé d’une dizaine de forces de sécurité, de membres de sa famille et de personnalités de la gauche libanaise, suscitant un engouement populaire et des clameurs de « liberté ». Vêtu d’un tee-shirt rouge et d’un keffieh, le poing brandi, il adresse à la foule ses salutations, en particulier aux martyrs, à la résistance et à Dahiyeh (la banlieue sud de Beyrouth), avant de retourner dans l’aéroport.

Devant un parterre de journalistes, il insiste alors sur la solidarité et la résistance. « La résistance palestinienne doit continuer et s’amplifier », ajoute-t-il, évoquant la lutte des enfants faméliques de Gaza, en pleine famine organisée, alors que « des millions d’Arabes sont assis et regardent ». Et de conclure : « Tant qu’il y a de la résistance, il y a un retour au pays. » Et plus précisément dans son village natal de Kobayat, dans le nord du Liban, où l’attend ce soir un autre accueil chaleureux.
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